Attributions économiques du CE, quel avenir ?

Attributions économiques du CE, quel avenir ?

Elles sont certes importantes, mais en pratique leur portée est comme on le sait très limitée par le fait que l’avis rendu par le CE ne s’impose pas à l’employeur, qui se prévaut du pouvoir de direction et de la liberté d’entreprendre.

 

Malgré ces limites, le patronat, et notamment le MEDEF, veut aller encore plus loin dans la revendication de « davantage de liberté d’action et d’initiative ».

 

Cette revendication patronale est dans les faits relayée à travers des lois déjà adoptées (Loi de Sécurisation de l’emploi de juin 2013 – LSE) ou des projets de loi actuellement en débat (Loi « Rebsamen » sur le dialogue social).

 

Prises séparément, certaines modifications législatives déjà adoptées ou en projet semblent tout à fait anodines et semblent relever de simples « aménagements techniques », s’inscrivant selon les pouvoirs publics dans un souci de plus grande efficacité et d’amélioration du dialogue social.

 

Pourtant, leur analyse dans le cadre d’une vision plus globale révèle qu’elles s’inscrivent en réalité dans une démarche générale et cohérente visant à atténuer et à réduire progressivement le rôle et la place des CE en matière de marche générale de l’entreprise.

 

A défaut d’avoir cette approche globale, il y a le risque de faire un examen strictement technique de chacune des dispositions prises séparément, sans en saisir le fil conducteur et la portée générale.

 

C’est d’ailleurs ce qui explique certainement la difficulté qu’éprouvent ceux qui défendent résolument les intérêts des salariés à formuler des alternatives à ces projets, et donc à présenter parfois y compris des amendements à la loi.

 

1 – En matière de licenciement collectif pour motif économique, la LSE de juin 2013 a déjà considérablement atténué et réduit le rôle et la place du CE : en effet, le PSE peut aujourd’hui résulter d’un accord collectif majoritaire (articles L 1233-24-1 et L 1233-24-2 du Code du travail).

 

Des pans entiers de cet accord ne sont plus soumis à l’avis du CE.

 

C’est ce qui ressort des dispositions de l’article L 1233-30 du Code du travail dans sa rédaction issue de la LSE.

 

Ne sont donc plus soumis à la consultation du CE le nombre de suppressions d’emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d’ordre, le calendrier prévisionnel des licenciements et les mesures sociales d’accompagnement prévues au PSE.

 

L’on considère donc que l’ensemble de ces questions ont déjà été abordées et « réglées » dans le cadre de la négociation collective.

 

Certaines de ces questions relèvent pourtant des prérogatives du CE, puisqu’elles ont trait à l’emploi et à la marche générale de l’entreprise (article L 2323-6).

 

L’expérience récente révèle une tendance à une véritable banalisation et à une sous-estimation de la procédure d’information/consultation du CE, de son rôle en la matière, et donc du débat sur le bien-fondé ou non des motifs invoqués par l’employeur à l’appui de la réorganisation envisagée.

 

La négociation collective sur le contenu des mesures sociales d’accompagnement et leur amélioration prend systématiquement le pas sur le débat sur les motifs prévalant à la réorganisation et sur l’exigence de qualité de l’information que doit communiquer l’employeur à la demande des membres du CE.

 

Il faut ajouter à cela que la LSE a en outre enfermé la procédure des licenciements collectifs pour motif économique dans des délais stricts au-delà desquels le CE est réputé avoir valablement rendu son avis (article L 1233-30).

 

2 – Les dispositions légales relatives aux accords de maintien de l’emploi résultant de la LSE sont également édifiantes sur cette volonté de réduire progressivement le champ des prérogatives habituelles du CE.

 

L’article L 5125-1 du Code du travail dispose en effet que « …en cas de grave difficulté économique conjoncturelle dans l’entreprise dont le diagnostic est analysé avec les organisations syndicales de salariés représentatives, un accord d’entreprise peut, en contrepartie de l’engagement de la part de l’employeur de maintenir les emplois pendant la durée de validité de l’accord, aménager pour les salariés occupant ces emplois, la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération au sens de l’article L 3221-3 […]

Un expert-comptable peut être mandaté par le CE pour accompagner les organisations syndicales dans l’analyse du diagnostic et dans la négociation, dans les conditions prévues à l’article L 2325-35… ».

 

Ainsi, ce qui relevait des attributions du CE est transféré aux organisations syndicales en vue de la conclusion de ce type d’accord.

 

L’examen des difficultés et le diagnostic sont établis par les organisations syndicales, aidées par un expert désigné par le CE…

 

3 – Dans le projet de loi « Rebsamen » sur le dialogue social actuellement en débat à l’Assemblée nationale, l’on retrouve également cette volonté de réduire de plus en plus le rôle et la place du CE.

 

Les thèmes et les sujets devant donner lieu à une information/consultation du CE sont regroupés en 3 grandes catégories, au nom d’une prétendue efficacité du dialogue social.

 

D’abord il n’est pas évident qu’un tel regroupement soit le gage et la garantie d’une plus grande efficacité.

 

Par ailleurs et surtout, le projet de loi prévoit la possibilité d’aboutir par accord collectif majoritaire à un aménagement des rythmes de ces consultations (aujourd’hui, la consultation est annuelle).

 

L’on retrouve également cette même volonté dans le projet de loi « Rebsamen » d’atténuer et de diluer le rôle du CE, à travers l’élargissement de la possibilité de mettre en place des délégations uniques du personnel (DUP), voire même la possibilité pour l’employeur d’organiser des réunions communes sur certains sujets avec l’ensemble des institutions représentatives du personnel (IRP).

 

Un avis unique CE/CHSCT peut aussi être rendu sur les projets qui leur sont soumis.

 

Le projet de loi prévoit également la possibilité de designer un expert unique quand les sujets relèvent des attributions aussi bien du CE que du CHSCT, alors même que le rôle de chacune de ces IRP est totalement distincte.

 

L’on peut enfin évoquer les modifications envisagées des dispositions de l’article L 2322-7 du Code du travail.

 

Aujourd’hui la suppression du CE peut intervenir par accord collectif entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives ; ou à défaut sur décision de l’Administration.

 

Le projet de loi « Rebsamen » prévoit de réserver à l’employeur la faculté et la possibilité de supprimer lui-même le CE, sans contrôle de l’Administration, avec tous les risques que cela comporte…

 

Ainsi, à travers une prétendue volonté affichée de développer le dialogue social et la négociation collective, l’ensemble des dispositions légales récentes et celles aujourd’hui en débat à l’Assemblée nationale tendent en réalité – et en tout cas dans la pratique – à atténuer le rôle, la place, les prérogatives et les moyens d’action des CE.

 

Les organisations syndicales, dont le rôle est apparemment mis en valeur avec le développement et l’encouragement de la négociation collective, ne sont pas elles-mêmes renforcées dans leur rôle et dans les attributions qui leur sont propres.

 

Elles se retrouvent ainsi à se substituer au CE, sans pour autant bénéficier de la vision globale qui le caractérisait, ni des informations dont il doit disposer en application des dispositions légales.

 

L’objectif est de réduire progressivement le cadre actuel de réflexion et d’intervention du CE sur les problèmes économiques et la marche générale de l’entreprise.

 

Le MEDEF revendique en effet que soient levés les « obstacles » au développement de l’entreprise et à l’emploi.

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