Manifeste du Cercle Maurice Cohen

Manifeste du Cercle Maurice Cohen

Sous couvert de « simplification », de nombreuses lois ont été adoptées depuis 2015 réduisant considérablement le rôle, les prérogatives et les moyens des comités sociaux et économiques[1].

Si après 70 ans d’existence, des évolutions de leur cadre juridique paraissaient nécessaires, elles supposaient qu’elles ne soient décidées qu’après une évaluation et une sérieuse réflexion.

Force est de constater qu’aujourd’hui une seule voix se fait entendre, celle du patronat, dont le but est de réduire la représentation syndicale dans l’entreprise au nom du dialogue direct avec les salariés avec la réduction du nombre d’instances, d’élus, d’heures de délégation, de consultations obligatoires, tout en limitant le droit des représentants des salariés de s’entourer d’experts indépendants.

Ces réformes visent également à réduire le droit des CSE à disposer d’informations de qualité en enfermant les procédures d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel concernées dans des délais contraints source de nombreux contentieux.

La représentation des salariés qui, rappelons-le, est un droit constitutionnel tout comme l’est le syndicalisme, est en danger !

En revanche, les évolutions nécessaires, elles, n’ont pas été réalisées. À titre d’exemple :

  1. Redéfinir et sécuriser les ASC.
  2. Repenser la représentation du personnel en phase avec les avancées de notre société comme le télétravail et les nouveaux outils de communication.
  3. Mieux prendre en compte les sociétés à établissements multiples et actualiser en conséquence les indicateurs à communiquer aux CSE dans la BDESE.

Certes, tout n’est pas que régression dans ces réformes. L’introduction de la consultation sur la stratégie de l’entreprise est bénéfique et complète la pensée initiale du législateur qui associe la consultation du CSE à la marche générale de l’entreprise. Mais nous constatons trop souvent que ces avancées sont rarement effectives dans les entreprises.

Le cadre juridique de la négociation collective en France a connu plusieurs évolutions ces vingt dernières années. Ce mouvement de refonte vise notamment à promouvoir la négociation d’entreprise avec l’intention de remettre en cause le principe de faveur permettant aux salariés de bénéficier entre la loi et les accords collectifs des dispositions les plus favorables. Dans de nombreux domaines, elles ont substitué au principe de faveur une double supplétivité :

  • Les dispositions du Code du travail ne constituent plus (sauf dispositions d’ordre public) un plancher de droits que la négociation collective est susceptible d’améliorer ; un accord d’entreprise peut ainsi désormais prévoir des dispositions moins favorables que les dispositions légales ;
  • De même les dispositions des accords de branche peuvent être paralysées par des accords d’entreprise prévoyant des dispositions moins favorables.

La négociation d’entreprise n’est donc plus un dispositif au service de la production de nouveaux droits pour les salariés. Elle est le moyen d’assouplir le cadre normatif défini par la loi et les conventions collectives de branches qui assurent davantage de garanties collectives. Il s’agit d’un changement assumé de la finalité du droit du travail où la protection des salariés se trouve placée sur le même plan, voire à un niveau inférieur, que le soutien à la compétitivité des entreprises.

Dans le même temps, la loi encourage la négociation d’entreprise en l’absence d’organisations syndicales, notamment dans les petites et moyennes entreprises. En effet, en l’absence de délégués syndicaux, des accords peuvent être conclus avec les élus du personnel non syndiqués. Et en l’absence de représentants du personnel, l’employeur peut même désormais faire valider un projet unilatéral par référendum et le présenter comme un « accord ». De fait, c’est la promotion d’une conception du dialogue social où tout ce qui provient de la négociation collective est acceptable même si cela débouche sur la régression des droits.

Face à ces graves régressions, nous avons décidé de créer un cercle de réflexion portant sur les instances représentatives, et particulièrement sur les comités sociaux et économiques. Le Cercle regroupe syndicalistes, universitaires, avocats et juristes en droit social, experts auprès des CSE, inspecteurs du travail, ainsi que des personnalités dont les compétences et l’expérience peuvent nourrir la réflexion.

Notre association, qui existe depuis 2015, prend résolument le parti de la défense des travailleurs, de leur droit constitutionnel de participer, « par l’intermédiaire de [leurs] délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises », de leur accès aux loisirs et à la culture grâce à des activités sociales et culturelles solidaires, de qualité, dont ils assurent la gestion.

Nous avons choisi de l’appeler « Cercle Maurice Cohen », à la mémoire de celui qui a été rédacteur en chef puis directeur de la Revue pratique de droit social, juriste engagé auprès des élus et mandatés, et auteur de l’ouvrage « Le droit des comités sociaux et économiques et des comités de groupe (CSE) » unanimement reconnu comme l’ouvrage de référence sur droit des CSE et des comités de Groupes.

[1] Auparavant dénommés les comités d’entreprise

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